L’histoire de Port-Royal des Champs
La mère Angélique et la réforme du monastère (1609-1625)

La Réforme catholique, ou Contre-réforme, gagne tardivement la France en raison des troubles des guerres de religion et de l’essor de la pensée gallicane. La pacification du royaume par Henri IV favorise le mouvement de réforme des établissements catholiques du royaume.
Fille d’un célèbre avocat, Jacqueline Arnauld – la mère Angélique – devient coadjutrice en 1599, à sept ans et demi, de la vieille abbesse, Jeanne de Boulehart, puis est nommée abbesse de l’abbaye cistercienne de Port-Royal des Champs en 1602, à l’âge de onze ans. En 1608, elle entreprend de réformer le monastère qu’elle dirige, en y rétablissant la stricte observance de la règle de saint Benoît : la pauvreté, la vie communautaire et la clôture.
Port-Royal de Paris (1625-1648)
En 1625, la mère Angélique obtient la permission de créer un second établissement à Paris, faubourg Saint-Jacques. La communauté y déménage dès 1625 en raison de l’insalubrité des Champs. L’abbesse demande à libérer Port-Royal de la tutelle cistercienne et place l’abbaye sous l’autorité du nouvel archevêque de Paris. En 1629, elle obtient du roi Louis XIII la permission pour la communauté d’élire son abbesse tous les trois ans. Elle démissionne en juillet 1630 pour laisser place à la mère Marie-Agnès, remplacée en 1636 par la jeune soeur de la mère Angélique, la mère Agnès Arnauld.
Vers 1633, l’abbé de Saint-Cyran (1591-1653) devient le directeur spirituel et le confesseur de la communauté. Il aura une importance décisive dans l’évolution des pratiques religieuses de l’abbaye de Port-Royal.
En 1647, le monastère prend le nom de Port-Royal du Saint-Sacrement. Les religieuses reçoivent le scapulaire blanc à croix rouge sur la poitrine qui remplace l’habit noir des cisterciennes.

Les Solitaires aux Champs (1639-1656)

Réunis à Paris à partir de 1637, les Solitaires s’installent l’année suivante à Port-Royal des Champs, dans l’abbaye désertée par les religieuses. Sous l’influence de Saint-Cyran, des personnalités laïques et ecclésiastiques y mènent une vie d’étude et de prière. Parmi eux, des parents de la mère abbesse Angélique Arnauld, comme ses neveux Antoine Le Maître (1608-1658) et Louis-Isaac Le Maître de Sacy (1613-1684), mais aussi le médecin Jean Hamon (1618-1687), le grammairien Claude Lancelot (1615-1695) ou encore le moraliste Pierre Nicole (1625-1695).
Pendant une vingtaine d’années, ils publient de nombreux ouvrages, tels que des traductions (le Nouveau Testament, l’Histoire des Juifs de Flavius Josèphe, les Confessions de saint Augustin, les Œuvres de sainte Thérèse d’Avila, Les vies des saints Pères des déserts d’Orient…), des vies de saints, des traités scientifiques, entre autres de grammaire et de logique, ou encore des manuels scolaires (la Nouvelle méthode pour apprendre facilement la langue latine, le Jardin des racines grecques…).
Les Solitaires assurent aussi la gestion des terres de l’abbaye et assainissent les bâtiments. Au retour des religieuses à partir de 1648, ils font drainer le fond du vallon, entreprennent de rehausser le sol de l’abbatiale, régulièrement inondé, puis se retirent dans la ferme des Granges.
Les Petites écoles (1637-1656)
Sous l’impulsion de l’abbé de Saint-Cyran, les Solitaires se consacrent dès 1637 à l’éducation des enfants avec la création des Petites écoles. D’abord installées à Paris près de Port-Royal, elles sont transférées au Chesnay puis au château de Troux après la Fronde (1648-1653), avant de se fixer définitivement aux Granges de Port-Royal des Champs en 1652 dans un bâtiment spécialement dévolu à cet effet.
Dans la France du XVIIe siècle, les écoles étaient tenues par le clergé local et destinées à donner une instruction de base aux enfants (lire, écrire, compter). Depuis le XVIe siècle, les collèges, installés dans les villes, accueillent les garçons plus âgés de la bourgeoisie. Ils sont tenus pour les deux tiers par les jésuites, concurrencés à partir de 1640 par les oratoriens, congrégation de prêtres enseignants. Dans ce contexte, l’ouverture des Petites écoles de Port-Royal des Champs est proprement novatrice.
À Port-Royal des Champs, les Solitaires accueillent jusqu’à vingt-cinq garçons venant des alentours, issus de familles nobles comme roturières, répartis par petits groupes de cinq ou six élèves et dirigés par un précepteur, prêtre ou Solitaire. Jean Racine lui-même y séjourne entre 1655 et 1656, ce qui l’amènera à rédiger à la fin de sa vie une histoire du site dans son Abrégé de l’histoire de Port-Royal.

Deux monastères, une communauté (1648-1654)

Le 13 mai 1648, la mère Angélique revient à Port-Royal des Champs avec plusieurs religieuses. Une partie de la communauté se réinstalle aux Champs en 1653 à la fin de la Fronde.
L’abbaye des Champs vit désormais en étroite relation avec l’abbaye parisienne, tandis que les premières mesures de Mazarin, puis du jeune roi Louis XIV, commencent à s’abattre sur les jansénistes.





